Une belle inconnue "Le Diabolo"

Bonsoir,
j'ai le plaisir de vous présenter une belle inconnue trouvée près de chez moi, mais qui revient de loin. Elle m’est en effet parvenue à l’issue d’un enchaînement de péripéties et d’un hasard tout à fait improbables, au printemps 2020.  

Pour résumer, en 2015, menant une recherche sur les briqueteries anciennes, j’ai été amené à rencontrer les propriétaires d’un ancien pressoir viticole sis en limite de ville. Ce bâtiment en briques, désormais en ruines, était le dernier édifice viticole des environs Ouest du Mans, ayant en effet été construit vers 1875, soit juste avant la crise du phylloxéra en 1883 qui marqua un terme définitif à la viticulture locale. Contre ce pressoir, un vieux rosier « de vigne » subsistait. Mais ce n’est que bien plus tard, à la mi-mai 2020, m’intéressant aux roses anciennes que son souvenir me revint. Ses fleurs lourdes, parfaitement circulaires, en coupes pleines à quartiers, d’un rose foncé virant au lilacé-violet, me firent d’abord penser à un gallique proche d’un ‘Charles de Mills’ ou bien d’un ‘De La Maître-École’…

Le mois suivant, la floraison achevée, grâce à l’amabilité des propriétaires de l’ancien pressoir, je pu alors prendre un drageon et réaliser des boutures à l’étouffée. Ces dernières racinèrent promptement et l’automne venu je pu à mon tour en faire bénéficier quelques rosomanes passionnés (dont des membres renommés du présent forum). Son identification reste toujours en suspens, ayant depuis écarté mes premières hypothèses (CDM et DLME).

Avec une petite année de recul, que dire sur ce rosier ?
C’est un gallique de type ancien, pur, n’ayant en apparence, aucune trace d’un quelconque croisement avec de l’exotique, type chinensis ou autre. Je le crois antérieur à 1830, peut-être est-il d’ailleurs une vieille obtention locale, car les années 1820 furent fastes pour les rosomanes manceaux en matière de roses galliques.
Description
- Feuillage mat gaufré dense : jeune de couleur jaune-vert clair, mature de couleur vert moyen. Folioles ovoïdes par 5 ou 7, à dentelure régulière, fine.
- Bois : on peut dire inerme, à l’exception de minuscules acicules de 2mm de longueur, de couleur rouge foncé. Le bois jeune est vert moyen, âgé, il prend la couleur et l’apparence d’un bois de rosier classique.
- Fleur : en corymbes, de 3 à 7 boutons voire plus sur les sujets plus âgés, pédoncules moyens. L’ovaire est cylindrique court, glanduleux, sépales très courtes mais foliacées par 3-4-5 selon les boutons. La fleur grossit en dehors des sépales bien trop courts pour la protéger lors de sa formation. Les pétales de la fleur naissante sont d’un blanc rose pâle, mais se teintent progressivement d’un rose carminé lumineux et nuancé de blanc. La fleur à plein épanouissement est double pleine, en coupe plate à quartiers, aux pétales assez serrés avec rosette centrale, le tout d'une forme très circulaire à terme. Son coloris rose tendre lumineux évolue avec le temps, devenant de plus en plus foncé. Le parfum est vraiment agréable, même après fanaison les ovaires sont encore parfumés.
- Port : jusqu’à 1m80, érigé au bout de quelques années lorsque le bois a forci. Jeunes, les rameaux ploient volontiers sous le poids des fleurs. Ce rosier est bien drageonnant, et semble sensible à l’oïdium lorsque la sécheresse s’installe. Robuste, il s’accommode d’un terre lourde argileuse ou plus légère mais pourvue qu’elle ne soit pas trop calcaire.
- Exposition peu exigeante, à ne pas placer toutefois contre un mur exposé au Sud (Soleil trop ardent et réverbération).

Voici les premières vues de ce printemps
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Cette année, le printemps étant un peu spécial, la végétation marque un bon retard de 2-3 semaines et les pluies (plusieurs fois par jour) font que les fleurs, je le crains, ne risquent pas d'être bien représentatives pour cette belle variété oubliée.
Voici la première, qui s'ouvre difficilement, ce jour.
Profil en coupe plate:
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Bien que très circulaire, cette première fleur s'ouvre avec difficulté  
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en fin de journée après plusieurs grosses pluies  
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Son parfum est cependant bien présent

Génial, tu nous la présente enfin. Ce printemps bien froid retarde tout partout. Je me sens bien à part, où les roses n'ont pris qu'un peu de retard, et il a fini sa floraison ici. Je suis aussi surpris de voir qu'il est plus foncé chez toi. Je mettrais mes photos dans la semaine.

Merci Cyrille,
oui c'est un rosier assez polymorphe et qui m'a au début posé des soucis pour le caractériser, car le pied mère avait aussi de grandes feuilles parfois rondes avec de grosses dents comme un centfeuille!  Ton plant aura sans doute des fleurs plus foncées avec le temps et, je pense aussi une fois mis à la pleine terre… Qu'importe! La photo que tu m'avais envoyé montrait déjà une superbe fleur et c'est bien toi le premier à l'avoir vu en fleur cette année

Il s’installe et démarre doucement ici. Comme beaucoup d’autres rosiers plantés début 2021. Je n’en attend sur pas de fleurs cette année. Juste qu’il s’installe.

En tout cas, belle description

Et oui Brendan    je suis sûr qu'en Bretagne avec le climat de cette région, ce gallique sera même plus beau qu'au Mans si ça se trouve. à suivre donc

La rose est jolie
Pas encore d’idées précises mais les prochaines photos sont très attendues

Super histoire avec une belle rose en perspective! On hâte de voir les photos lorsqu'elle sera pleinement épanouie!

De ce matin, voici ce que je retiendrais de meilleur pour sa première fleur chez moi. Les autres à venir (d'ici quelques jours) seront peut-être d'une facture supérieure.
Son parfum est assez prononcé et plaisant  
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La taille est moyenne, environ 8cm de diamètre. Les pétales extérieurs sont plus pâles et paraissent nuancés de blanc. A l'intérieur, avant la rosette centrale, des pétales sont d'un beau rose-vif lumineux. Le revers des pétales est plus clair, pas loin du blanc. Cette première fleur est un peu prolifère car s'étant amorcée peu après les gelées tardives.
Normalement les fleurs de cette variété ne prolifèrent pas.

Il est joli ce coeur comme ça.

La seconde fleur, plus régulière, très plate (un vrai disque! )
Un rose brillant nuancé de blanc pour les pétales extérieurs.
Un parfum ravissant

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Je ne la reconnais toujours pas dans les variétés dont le nom d'origine nous est parvenu.

Je te donnerai mes photos, tu seras surpris de la rose bien différente dans ses coloris.

Les deux dernières photos sont effectivement très très belles : l’organisation des pétales est parfaite

Mes roses, le 27 avril 2021.
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Du premier au 4 mai.
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Et une dernière, le 7 mai.
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Merci Cyrille pour ces photos très parlantes  
Donc, on voit bien une fleur de forme circulaire très nette avec une disposition des pétales identiques à celles du plant que je cultive, mais sur tes dernières vues :
- feuillage assez clair
- fleurs très pâles et bien faites  
on dirait presque une autre variété, pourtant il s'agit bien du "Diabolo" car issu de mes boutures à l'étouffée de juin dernier à partir du pied mère.  
Sans doute le substrat et la douceur du climat océanique jouent sur les teintes, d'autant que ton exemplaire est un jouvenceau.
Pour l'identification en cours de ce gallique, je pense le rattacher à la vieille série des "provins agathes" si je me base sur Thory & Redouté, lesquels décrivent les traits communs de cette série, et notamment la morphologie des boutons floraux…

Jolie chemise Cyrille!
Chez moi aussi le feuillage est vert clair.
Mon drageon ne fleurira pas cette année.
J'aime beaucoup cette version rose clair dont la fleur me rappelle un de mes inconnus.

Merci Thermidor. Un cadeau d'anniversaire de ma collègue ! D'habitude, j'ai mes vieux habits de jardin, et c'est mieux, car je viens d'en déchirer une, en passant sous un rosier. Les risques du métier. Lol.

Rose clair ou rose plus intense, le ‘Diabolo’ est très beau

@ Ortolan, il m'en reste encore un plant en réserve à l'occasion

Deux vues du 22 mai dernier, au matin.
Avec un temps couvert:
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La même partie du rosier avec un rai de Soleil qui dore le tout:
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On distingue les petites dents très aigües des feuilles, des sépales courts foliacés et l'aspect tranché du sommet des boutons floraux, signes apparemment caractéristiques des vieux galliques de la série des provins-agathes.

Sauf erreur de ma part : si agathe il en est, cela veut dire qu’il aurait du francofurtana dans ses genes ?

@BND, je me suis en effet posé la question s'il y avait une filiation de la francofurtana avec la série des provins-agathes.
Pas facile d'y répondre, d'autant que les repères si communs des Anciens rosomanes, sont bien difficiles à retrouver de nos jours avec le peu qui survit. Le peu d'ailleurs dont on ait la certitude qu'il s'agisse bien de la bonne variété avec son nom initial.
De ce que j'entrevois:
La 'Rose de Francfort' ou Rosa x francofurtana connue au XVIe siècle (dite aussi rosier turbiné, ou plus familièrement rosier à gros-cul) est très particulière, avec ses feuilles très plissées, des fleurs semi-doubles à doubles rose-rouges pas toujours bien formées et s'épanouissant parfois mal.
Je crois la cultiver malgré moi, l'ayant acheté sous le nom de 'Roi des Pays-Bas' chez Loubert, ce dernier rosier était censé être un Belgica/Damas qui d'ailleurs n'avait plus été aperçu depuis 150ans...  Je la présenterais sur le forum à l'occasion.

Semblent au moins en descendre, d'après leurs feuillages si particuliers: 'Agatha', obtenue vers 1800 (dite anciennement Agathe de Francfort, classée dans les Provins par Desportes (en 1828) et 'Impératrice Joséphine' (de Descemet, avant 1815)

Les quelques rares galliques portant l'épithète "agathe" qui nous restent (si ce sont bien les originaux!) semblent autres, car sans traces extérieures apparentes d'une parenté évidente avec 'Rosa x francofurtana'. Si elle existe, elle est très diluée et seule des analyses ADN pourraient le confirmer. Le terme "agathe", si l'on se fie à Narcisse Desportes avec son Rosetum gallicum, est en fait l'un des synonymes de la rose de Provins 'Rosa gallica L.' Il liste une soixantaine d'"agathes-quelque chose" desquelles bien peu restent de nos jours :
- 'Agathe Fatime'
- 'Agathe Carnée' alias 'Agathe incarnata'

Mais des centfeuilles et des Damas/Belgica ont aussi eu des noms avec "agathe", ce qui fait de toute cette histoire un beau sac de nœuds.
Pour en revenir au "Diabolo" et mes allusions, je me base entièrement sur les quelques mentions de Thory & Redouté quand ils abordent la série des galliques agathes et les traits communs qu'ils leurs donnent, faute de les décrire un par un puisque nuances variétales.